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L'Hexagone Tour a fait étape à Toulouse

Rédigé par Mathieu Candel | 26 nov. 2025 10:49:56

Le 13 octobre, accueilli par la French Tech locale, l’Hexagone Tour a fait étape à Toulouse, au sein de La Cité, lieu emblématique d’innovation portée par la Région Occitanie. L’événement a réuni élus, experts et acteurs locaux pour échanger autour des enjeux de souveraineté numérique et de cybersécurité, dans une ambiance dynamique et orientée vers l’action. Cette rencontre a ouvert le dialogue et permis de réfléchir ensemble à la manière de reprendre le contrôle des outils et des données numériques, tout en explorant des solutions françaises sécurisées et souveraines. Elle a également posé les bases d’un échange constructif entre collectivités, entreprises et acteurs de l’écosystème local avec l’objectif de renforcer la résilience numérique des territoires.

Table ronde n°1 : Souveraineté numérique : du principe à la pratique

Animée par : Marc Sztulman, conseiller régional au numérique, à l’IA et président de Cyber’Occ, Bertrand Serp, élu municipal et Vice-Président de Toulouse Métropole en charge de la transformation digitale et Thomas Balladur, cofondateur d’Interstis et dirigeant du consortium Hexagone

La première table ronde a ouvert la réflexion sur la souveraineté numérique, devenue un sujet central dans le débat public. Marc Sztulman, délégué au numérique et à l’intelligence artificielle pour la Région Occitanie, rappelle que « la souveraineté, ça ne se décrète pas, mais ça se vit au quotidien ». Il plaide pour des actions concrètes, à commencer par la sortie de solutions étrangères comme Office 365. La région Occitanie a d’ailleurs lancé un marché global de migration : « On ne veut pas sortir d’Office 365 dans vingt-cinq ans, mais maintenant. » Au-delà de la symbolique, la souveraineté est décrite comme un levier économique. Thomas Balladur souligne que « le numérique, c’est la seule industrie qui conditionne toutes les autres » : sans maîtrise technologique, aucune filière industrielle ne peut prospérer. Les intervenants dénoncent une dépendance structurelle vis-à-vis des géants américains : « Vous levez 100 millions, et il y en a 20 qui partent chez Google », résume Marc Sztulman. Cette « taxe GAFAM » illustre une fuite de valeur massive hors du territoire.  Pour les collectivités, la souveraineté numérique se joue aussi sur le terrain de la commande publique. Bertrand Serp, Vice-Président de Toulouse Métropole, rappelle que « la liberté de choisir ses solutions est un acte politique ». Il défend une approche combinant innovation, ancrage local et investissement public. La souveraineté ne se limite pas à une question technique : elle touche à la culture, à la démocratie et à la protection des citoyens. Marc Sztulman l’a illustré à travers un exemple frappant : une simple application de cantine scolaire, présentée comme outil anti-gaspillage, « peut renseigner sur la religion ou la santé de nos élèves ». Une démonstration de la façon dont des données anodines peuvent devenir des informations stratégiques. Enfin, les intervenants appellent à un sursaut collectif et à une politique industrielle ambitieuse. « On a su faire le Concorde et le Minitel. Pourquoi pas le cloud souverain ? » interroge Bertrand Serp, tout en insistant sur la nécessité d’investir massivement dans la recherche et l’innovation. Pour Thomas Balladur, il faut aussi « rendre la souveraineté désirable » : montrer qu’une solution française peut être performante, moderne et compétitive. La souveraineté n’est pas un repli, mais une bataille culturelle à mener contre le défaitisme.

Table ronde n°2 : Cybersécurité : de la menace à la résilience

Animée par : Olivier Auradou, directeur général de Cyber’Occ et Nicolas Huez, cofondateur d’Interstis et dirigeant du consortium Hexagone

La seconde table ronde, consacrée à la cybersécurité, a dressé un panorama des menaces et des bonnes pratiques. Olivier Auradou, directeur général de Cyber’Occ, ouvre les échanges par un constat sans appel : « On est tous devenus une cible. » La multiplication des objets connectés, du télétravail et du cloud a décuplé les surfaces d’attaque. Les cybercriminels, désormais assistés par l’intelligence artificielle, disposent d’outils toujours plus puissants. « La cybercriminalité est plus rentable que le trafic de drogue », souligne-t-il, rappelant que les rançongiciels représentent à eux seuls 74 % des attaques en France. Nicolas Huez, cofondateur d’Interstis, rappelle que la vulnérabilité principale reste humaine : « 80 % des attaques sont liées à une erreur humaine. » La cybersécurité, insiste-t-il, n’est plus un sujet réservé aux informaticiens, mais une responsabilité collective. La formation et la sensibilisation des collaborateurs deviennent donc prioritaires : « Ce n’est pas une question technique, c’est une question de culture. » Les intervenants ont énuméré plusieurs gestes d’hygiène numérique simples mais essentiels : la double authentification, les sauvegardes régulières et déconnectées, la mise à jour des systèmes, l’usage de gestionnaires de mots de passe et surtout la vigilance permanente — « Douter, douter, douter », martèle Olivier Auradou. Ces précautions, bien que basiques, constituent une barrière efficace contre la majorité des attaques. La table ronde a également mis l’accent sur la préparation. « On fait des exercices incendie, pourquoi pas des exercices cyber ? » interroge Nicolas Huez. Tester régulièrement la réaction des équipes, prévoir des plans de continuité et impliquer toutes les directions (RH, finances, communication, DSI) sont des étapes indispensables pour renforcer la résilience. En cas d’attaque, un numéro d’urgence gratuit (0 800 71 13 13) opéré par Cyber’Occ permet aux entreprises et collectivités d’obtenir un diagnostic immédiat et un accompagnement de crise. « Ne payez jamais la rançon », prévient Olivier Auradou. L’objectif n’est plus d’espérer éviter toute attaque, mais d’apprendre à encaisser le choc et à rebondir. Comme le résume un intervenant : « Avant, on croyait qu’avec un bon antivirus on était protégés. Aujourd’hui, la question n’est plus si, mais quand on sera attaqué. »

Table ronde n°3 Fin du support Exchange (et pas que !)

Animée par : Pierre Baudracco, directeur général de BlueMind et Denis Lafont Trevisan, GP d’Open Capital

La troisième table ronde, réunissant Pierre Baudracco, directeur général de BlueMind et Denis Lafont Trevisan, Général Parter d’Open Capital a abordé les conséquences de la fin du support de Microsoft Exchange, symbole d’une dépendance à remettre en cause. Pour Pierre Baudracco, le débat dépasse le cas d’Exchange : « Aujourd’hui, tout le monde est souverain : Google, Oracle, SAP, Microsoft… » Il plaide pour plus de transparence et évoque la création d’un « Nutriscore de la souveraineté », un outil qui permettrait d’évaluer objectivement la localisation des données, la maîtrise des coûts et la résilience des solutions. Denis Lafont Trevisan dénonce de son côté la « culture de l’auto-dénigrement » française : « Ça fait trente ans qu’on bâche les solutions françaises. » Il rappelle pourtant que nombre d’entreprises hexagonales, comme Talend, ont fini par s’imposer à l’international. Pour lui, la commande publique et privée est le levier le plus efficace pour soutenir la filière : « Un euro d’achat vaut dix euros de subvention. Acheter local, c’est un acte politique. » Les deux intervenants insistent sur la nécessité de construire des alternatives crédibles et pérennes. « Changer de messagerie, c’est un sujet très, très compliqué », reconnaît Pierre Baudracco, rappelant les années de travail nécessaires à Bluemind pour créer une solution complète. Il prône une approche pragmatique : accompagner les organisations sans rupture d’usage, « minimiser les changements pour que la migration ne soit pas vécue comme une contrainte ». Au-delà des outils, c’est tout un écosystème à structurer. Comment transformer des PME de 30 personnes en acteurs industriels solides ? Comment financer la montée en puissance sans renoncer à l’indépendance ? Ces questions restent au cœur du débat. Denis Lafont Trevisan conclut sur une note d’optimisme : « Tu demandes à un ingénieur français d’être optimiste, c’est compliqué… mais aujourd’hui, on peut l’être. » Il cite les réussites de Mirakl, Qwant, Filigrane ou Mistral AI comme autant de preuves que « la France peut redevenir un leader technologique ». Pour cela, il faut « flécher la commande publique et privée vers nos entreprises locales » et « financer la prise de risque » pour que la richesse créée reste sur le territoire.

Conclusion

Ces trois tables rondes ouvrent une même perspective : celle d’une souveraineté numérique concrète, pragmatique et réellement partagée. Qu’il soit question de cadre juridique, de résilience cyber, de financement ou de culture du changement, un message commun se dégage. La France et l’Europe ont les talents, les entreprises et les idées pour retrouver une pleine indépendance numérique, à condition d’en faire un projet véritablement collectif.